COVID-19 et obligation de sécurité de l’employeur : comment rester zen en temps de crise

Nous le savons, employeurs et salariés sont chahutés depuis de longs mois, en ces temps de crise sanitaire : chômage partiel, licenciements, travail en présentiel, télétravail, aménagements, et … responsabilité de l’employeur.

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés. Cette obligation est « en temps normal » à l’origine d’un contentieux fourni.

En temps de pandémie, il est donc légitime, et peut-être nécessaire, de verser dans l’hypervigilance.

Alors, comment rester serein ?

  • Le cadre

Le Code du travail est extrêmement clair : l’employeur est débiteur envers ses salariés d’une obligation de sécurité.

Cette obligation découle de l’article L4121-1 du Code : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »

Après avoir longtemps appliqué les textes de manière stricte en retenant l’existence d’une obligation de résultat, la Cour de cassation considère désormais que pèse sur l’employeur à ce titre une obligation de moyens renforcée (Arrêt de la Chambre sociale du 25 novembre 2015, n°14-24444, confirmé par un arrêt d’Assemblée plénière du 5 avril 2019, n°18-17442). Sa responsabilité n’est donc pas engagée s’il est en mesure de démontrer qu’il a mis en œuvre toutes les mesures de prévention nécessaires à la protection de ses salariés.

L’employeur n’est en outre pas isolé face à cette lourde tâche ; il incombe également aux salariés de « veiller sur eux-mêmes ». Le Code du travail prévoit ainsi expressément que chacun des travailleurs doit « prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. »

Pour autant, c’est bien sur l’employeur seul que repose la responsabilité de la santé et de la sécurité des personnes qu’il emploie.

Il existe donc un risque, évidemment humain, mais aussi judiciaire.

  • Le risque

Dans ce contexte de pandémie, ont ainsi déjà été condamnés plusieurs sociétés pour manquement à l’obligation de sécurité due à leurs salariés, et notamment avec grand bruit : les sociétés Amazon et La Poste.

La responsabilité de l’employeur peut être engagée à plusieurs titres.

Au plan civil, le risque de condamnation existe bien sûr en cas de survenance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, mais aussi « à titre préventif » avant toute atteinte à la santé des salariés. Dans tous les cas, c’est bien de l’existence et de la pertinence des mesures de prévention et de protection prises par l’employeur dont il est question. Il appartient donc à l’employeur de démontrer qu’il a mis en œuvre toutes les mesures de prévention nécessaires et adaptées. Ces mesures doivent notamment être adaptées à la situation sanitaire et son évolution, aux nouvelles préconisations des pouvoirs publics, et à la réorganisation éventuelle de l’entreprise.

Le responsabilité de l’employeur peut également être recherchée devant le Pôle social du Tribunal judiciaire pour « faute inexcusable », lorsqu’il est établi qu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger encouru par ses salariés et qu’il n’a pas agi en conséquence.

S’y ajoutent les règles répressives : le Code pénal réprime la « mise en danger délibérée de la personne d’autrui », et la « faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. »

Enfin, plusieurs organisations syndicales et associatives militent en faveur de la création d’un préjudice d’anxiété, visant à reconnaître et réparer l’angoisse générée par le risque élevé de développer une pathologie grave en cas d’exposition à une substance nocive ou toxique, à l’instar de ce qui existe d’ores et déjà pour les salariés exposés à l’amiante.

Si le risque judiciaire existe pour l’employeur … il y a nécessairement aussi des manières de l’éviter, ou à tout le moins de le limiter au maximum.

  • La méthode

Le méthode nous est donnée par le Code du travail.

L’article L4121-1 du Code détaille ce qu’englobent les « mesures nécessaires » prises par l’employeur :

« Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. »

L’article L4121-2 du Code du travail liste les « principes généraux » qui doivent présider au choix des mesures adoptées par l’employeur :

« 1° Eviter les risques ;

Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »

Il incombe donc en priorité à l’employeur d’évaluer les risques encourus par ses salariés, notamment de contamination par le coronavirus dans le contexte actuel. Pour ce faire, il doit impérativement établir, compléter et adapter le Document unique d’évaluation des risques pour y inclure le risque lié à la pandémie.

L’employeur doit également mettre en place toutes les mesures de prévention préconisées par les pouvoirs publics, et notamment les gestes barrières et les règles de distanciation sociale. Il est aidé dans cette tâche grâce aux fiches conseils métiers et aux guides pratiques publiés sur le site du gouvernement. Attention néanmoins ! Ces recommandations n’ont pas de caractère réglementaire.

Une procédure spécifique en cas de contamination de l’un des salariés, ou si l’un d’eux se révélait être cas contact, doit être prévue et mise en œuvre.

Les salariés sont impérativement informés des mesures prises par l’employeur par tout moyen : affichage, note de service, mise à jour du règlement intérieur, formations, campagnes de sensibilisation.

Les représentants du personnel et la Médecine du Travail sont pleinement associés à toutes ces démarches, en tant qu’accompagnateur à l’élaboration des règles internes.

Enfin, il est essentiel pour l’employeur de pouvoir justifier qu’il s’est pleinement conformé aux dispositions du Code du travail. Aussi, il est indispensable de documenter toutes les démarches entreprises pour garantir la santé et la sécurité des salariés.

N’hésitez pas à solliciter le conseil d’un avocat compétent en droit du travail, qui pourra se révéler être d’un réel soutien en cette période si particulière.

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